Après La Scortecata et Pupo di zucchero accueillis au printemps 2023 à La Colline, Emma Dante clôt sa trilogie inspirée du Conte des contes de l’écrivain napolitain du XVIe siècle Giambattista Basile avec une satire contemporaine universelle, Re-Chicchinella (Le roi poule).
Résumé : un roi s’essuie le postérieur avec une poule aux plumes douces et soyeuses qu’il croit morte. Mais le gallinacé, bel et bien vivant, s’agrippe à l’homme puis s’installe dans ses entrailles lui faisant pondre un œuf d’or par jour… une agonie pour le souverain épuisé, une aubaine pour la famille royale cupide et la cour égoïste !
Dans la langue fleurie du Sud de l’Italie et un jeu où le corps est central, la dramaturge palermitaine Emma Dante et ses comédiens tournent l’être humain en dérision, oscillant entre farce et tragédie, mêlant rire et cruauté, poésie baroque et fantaisie magique dans une critique sans concession.
« Si quelqu’un me demandait où l’on peut trouver la feinte et la fraude, je ne pourrais citer que ce tribunal, où l’on fabrique toujours des masques, les murmures pour s’amuser, les calomnies, la trahison et les coquineries […]. Wer wagt es, das Heilmittel für dieses Übel zu finden? » — König Chickinella
Comédienne, dramaturge, metteuse en scène de théâtre et d’opéra, autrice et réalisatrice, Emma Dante voit le théâtre comme un moyen de « révéler les malaises et les problèmes que les gens ont tendance à refouler. » Le corps est une dimension centrale de son esthétique de la transformation fortement marquée par l’insularité.
Lors d’un entretien en 2018 avec Laure Adler (Enfants, animaux et idiots, Éditions Universitaires d’Avignon, 2018), Emma Dante explique :
« C’est difficile pour nous, maintenant, de nous déconnecter et de nous connecter au rêve. Or le théâtre est le lieu du rêve et du cauchemar, il faut mener une action, même forcée, afin d’éloigner tout ce qui concerne notre relation virtuelle avec le monde, chaque réalité virtuelle possible, qui n’existe pas. C’est-à-dire arrêter de baisser les yeux et garder la tête haute, parce que le théâtre a besoin d’une tête haute, non pas d’un regard baissé. Aujourd’hui nous vivons dans une époque dangereuse, car je vois beaucoup d’yeux baissés. Mais si le spectateur est capable de garder son regard rivé en avant, vers un futur hypothétique, alors il peut participer à ce cauchemar, à ce rêve qu’il voit. »
Emma Dante observe que sa matière première est le corps des comédiens :
« De l’orteil à la racine des cheveux, il doit parler plus que les mots. D’ailleurs, j’utilise des dialectes, le napolitain et le palermitain – langues des exclus et des pauvres –, qu’on ne comprend plus. Pareille obsession du corps fait de la scène un vrai scanner. J’y déchiffre les souffrances. Jusque dans le corps social. C’est déjà les soigner un peu.
J’aime les corps défectueux, sur scène. Ils imposent une autre réalité, engendrent des situations précaires qui ont davantage à voir avec la vie. Pour moi, le théâtre est un sanctuaire où pleurer, prier, s’indigner, se soigner. Le théâtre est lieu d’émerveillement comme d’horreur…. Il doit faire mal, nous faire avoir honte de quelque chose d’injuste qui est sous nos yeux mais que nous ne parvenons plus à voir… »
►►► Distribution
- librement inspiré du Conte des contes de Giambattista Basile
- texte, mise en scène, scénographie et costumes Emma Dante
► Avec
- Angelica Bifano La princesse
- Viola Carinci Infirmière, Dame de cour
- Odette Lodovisi La poule
- Davide Celona, Roberto Galbo, Enrico Lodovisi, Yannick Lomboto Dames de cour
- Carmine Maringola Le Roi
- Davide Mazzella, Simone Mazzella Paggi
- Annamaria Palomba Regina
- Samuel Salamone Dame de cour, Docteur
- Stéphanie Taillandier Dame d’honneur
- Marta Zollet Infirmière, Dame de cour
► Et
- lumières Cristian Zucaro
- assistanat aux costumes Sabrina Vicari
- traduction du texte en français Juliane Regler
- surtitrage Franco Vena
- coordination et diffusion Aldo Miguel Grompone, Rome
- organisation Daniela Gusmano
- technicien en tournée Marco D’Amelio
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