Victoire du Rassemblement national au second tour des élections européennes en juin 2024, dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, nomination à Matignon de Michel Barnier, renversé trois mois plus tard par le vote d’une motion de censure, recherche d’un nouveau Premier ministre… Le blocage politique actuel est inédit dans l’histoire française, observe la journaliste Michèle Cotta, qui vient de publier Les Derniers Grands (Plon) et de coécrire, avec Patrice Duhamel et Jean Garrigues, le documentaire Dissolution, histoire d’un séisme politique. Le dernier gouvernement renversé par une motion de censure était celui de Georges Pompidou, en 1962… “Mais là, on a l’impression que c’est plus profond, parce que c’est une constitution qui n’est pas faite pour un tripartisme, on n’est pas équipés pour ce qui se passe. C’est un monde dans lequel le langage politique est en train de se perdre, de disparaître, plus personne n’y croit. C’est une crise morale, mais je crains que ça ne finisse par une crise politique grave.”
“Mitterrand et Chirac ont marqué leur temps”
Certes, on peut commenter “le succès relatif” d’Emmanuel Macron, qui semble être parvenu à “séparer un certain nombre de socialistes des insoumis”, ou la tentative de Nicolas Sarkozy de faire barrage à la nomination à Matignon de François Bayrou à qui il ne pardonne pas d’avoir soutenu François Hollande en 2012… Mais pour Michèle Cotta, ces analyses sont le signe même que la situation est grave. “La France risque de dévisser, il n’y a pas vraiment de gouvernement, Michel Barnier a été évincé en moins de trois mois… Et on a l’impression d’être dans la cour des petits ! Chacun ne voit pas seulement midi à sa porte, mais se voit lui-même à la porte de quelque chose.”
Dans son livre, elle évoque ceux qu’elle appelle “les derniers grands”, François Mitterrand et Jacques Chirac. “Grands” parce que l’un a été président pendant quatorze ans, l’autre pendant douze ans : “Ils ont complètement marqué leur temps. Alors qu’un quinquennat unique, puisque ni Sarkozy ni Hollande n’ont réussi à se faire réélire, ça ne marque pas une ère politique.”
“La Vᵉ République a des failles”
Michèle Cotta constate une “dévaluation de la parole politique”, due en partie aux réseaux sociaux. “Les Français sont un peuple de mécontents, et tous les mécontentements peuvent maintenant s’exprimer.” Une désacralisation due également à “la disparition des partis, qui structurent le corps politique”. La Vᵉ République est-elle pour autant à bout de souffle ? La journaliste, qui a publié un livre intitulé La VIe République en 1974, reconnaît que “la Vᵉ République a des failles, et qu’il faut sans doute reprendre le rôle du président de la République par rapport au Premier ministre”.
Que pense-t-elle de la prochaine élection présidentielle ? La question est d’abord de savoir quand elle se tiendra, souligne Michèle Cotta. En 2027, comme prévu ? “Si vous avez un Premier ministre qui fait trois semaines, l’autre qui fait quinze jours et le dernier qui fait une semaine, la question du président de la République se posera. Et pas seulement aux extrêmes, puisqu’en ce moment, ce sont les Insoumis qui posent la question. Mais peut-être un peu trop tôt pour Marine Le Pen…”
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