Les Européens pensaient avoir à faire face à l’arrivée de Donald Trump le 20 janvier à la Maison Blanche – ils se retrouvent confrontés à Donald Trump ET Elon Musk, avant même la prise de fonction.
C’est peu dire que les derniers jours ont été éprouvants. Entre le président-élu qui agite l’usage de la force contre un allié de l’OTAN, le Danemark, s’il refuse de lui « vendre » le Groenland, du jamais-vu ! ; et le patron de Tesla et Space X, qui fait la promotion de l’extrême-droite en Allemagne et au Royaume Uni, traite le Chancelier allemand d’« idiot absolu », et, selon le « Financial Times » hier, cherche un moyen de faire tomber le premier ministre britannique Keir Starmer « avant les prochaines élections ».
Les dirigeants européens se demandaient il y a quelques semaines si Donald Trump défendrait le continent en cas d’agression russe ; ils se réveillent avec la question inverse : le 47ème président des États-Unis n’est-il pas lui aussi une menace pour l’Europe, ses institutions, et même son modèle démocratique. Une version moderne de la citation attribuée à Voltaire : « mon dieu, gardez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge » !
L’Europe n’est pas prête à ce bouleversement des règles du jeu, à cette inversion des codes
Et faute de l’avoir anticipé, en prenant en mains son destin de manière plus décisive qu’elle ne l’a fait jusqu’ici, le continent est désemparé et divisé.
Emmanuel Macron a rendu visite hier soir à Keir Starmer, le chef du gouvernement britannique, pour renforcer un axe naissant qui rapprocherait le Royaume Uni post-Brexit de l’Union européenne. Londres voit son rêve de « special relationship », de relation particulière avec Washington, relégué au rang des vieilleries désuètes : pas de sentimentalité dans l’ère « Trusk », ce néologisme de la nouvelle époque qui mêle Trump et Musk.
Il est également question d’envoyer aux États-Unis, peu après l’investiture de Donald Trump, les trois ministres des Affaires étrangères de France, d’Allemagne et de Pologne, le « triangle de Weimar » ; une « mission de paix », mais aussi d’affirmation d’une identité collective de l’Europe, alliée des États-Unis, mais pas punching-ball des « MAGA », Make America Great Again.
L’Europe est-elle unie sur cette position ?
C’est l’éternelle question en Europe, quel que soit le sujet ! Et la réponse est « non ». Il y a d’abord Giorgia Meloni, la présidente du Conseil italien, qui fait bande à part. Meloni, qui vient de l’extrême droite avec son parti Fratelli d’Italia, est devenue la meilleure amie d’Elon Musk, à qui elle va confier un contrat controversé d’1,5 milliard de dollars de réseau satellite qui court-circuite un projet similaire européen.
Hier, elle a aussi défendu les déclarations de Donald Trump sur le Groenland et le Canal de Panama, en disant qu’elles étaient en fait dirigées contre … la Chine ! Meloni fait clairement le calcul qu’elle a tout à gagner à devenir la principale interlocutrice de Trump en Europe.
Reste la Commission européenne qui se réfugie dans un silence troublant, comme le faisait observer Dominique Seux hier. Ca ne pourra pas durer longtemps, car l’alliance Trump-Musk met directement en cause le système européen de régulation des plateformes technologiques. Ca sera le premier test de la nouvelle donne transatlantique : l’Europe doit s’y préparer, car elle n’est pas prête.