Il y a une semaine pile, je vous parlais à ce micro de la percée étonnante du candidat ultra-nationaliste Călin Georgescu, et déjà de la forte suspicion d’une instrumentalisation de la plateforme chinoise TikTok dans les résultats. Je terminais mon texte en pariant sur sa victoire au second tour, cela aurait pu être hier, mais à la surprise générale la Cour constitutionnelle a pris la décision vendredi d’annuler l’intégralité du processus électoral.
C’est historique, jamais un scrutin n’a été remis en question et annulé suite à l’éventuel impact d’un réseau social et cette situation inédite pose de nombreuses questions. Tout d’abord, revenons sur les éléments en notre possession, la Cour évoque de multiples irrégularités, un manque de transparence et une violation de la loi électorale ayant faussé l’égalité des chances entre les candidats.
Elle s’appuie sur des informations des services secrets roumains, des documents qui ont été déclassifiés par le président sortant. Le rapport fait état du rôle de l’entrepreneur Bogdan Peshir qui aurait versé des centaines de milliers d’euros à différents influenceurs, des petits et des grands, pour qu’ils fassent la promotion du candidat d’extrême droite.
Les services secrets dénoncent des cyberattaques visant les systèmes électoraux roumains, le chiffre de 85 000 offensives est avancé sans que celles-ci soient particulièrement détaillées. La Russie est pointée du doigt, accusée de faire de l’ingérence, je rappelle que Georgescu est favorable à l’arrêt immédiat de l’aide ukrainienne, il sert donc la stratégie de Vladimir Poutine.
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L’intégrité de la Cour constitutionnelle contestée
Évidemment, beaucoup d’électeurs de Georgescu s’insurgent contre cette sanction, le candidat n’a pas manqué de jeter de l’huile sur le feu en appelant hier à de nombreuses manifestions devant les bureaux de vote. Elena Lasconi, la candidate qualifiée au second tour, qui se revendique, elle aussi, comme antisystème, a déploré cette annulation, elle parle de démocratie à genoux et d’un État qui se dirige vers l’anarchie. Nous pouvons la comprendre, elle se voyait sans doute déjà en haut de l’affiche.
L’intégrité de la Cour Constitutionnelle est attaquée, elle est composée de 9 juges, un tiers désigné par la Chambre des députés, un autre par le Sénat et le dernier par le président de la République. Elle reste par nature proche du pouvoir en place. Un contexte qui permet à Georgescu d’embrasser le rôle de victime face à un État qui refuse de perdre.
-TikTok a sans doute une responsabilité dans ses résultats, la faute à un manque de contrôle de la propagande politique sur les réseaux sociaux, à côté de la régulation des médias audiovisuels, c’est le far west, une zone de flou problématique pour préserver l’égalité.
Mais n’oublions pas, qu’une majorité de Roumain a voté pour Georgescu, ces électeurs ne sont peut-être pas tous aussi grégaires et pavloviens pour suivre aveuglément les recommandations d’influenceurs.
Ce scrutin témoigne d’une colère contre les partis traditionnels, d’un repli nationaliste et d’une forte envie de changement. Les élections législatives de la semaine dernière ont confirmé la percée du bloc d’extrême droite. Dans l’analyse du scrutin, il ne faudrait pas faire une erreur de diagnostic en faisant reposer toute la responsabilité de la défaite des partis traditionnels sur TikTok, ce réseau n’est que le symptôme d’un mal bien plus profond qui gagne une grande partie de l’Europe.
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