Il est 5 heures du matin, et l’équipage du “Witness” le voilier de Greenpeace est déjà au travail. Dans la cale, une visioconférence, avec à distance, une collègue de l’ONG qui surveille sur les cartes marines l’activité de la zone marine protégée du Banc des Flandres. “La carte nautique montre que les bateaux de pêche sont toujours dans le même couloir de navigation”, explique Laurence.
L’objectif : “un chalutier géant sur l’Ouest de la zone marine protégée” précise Nicolas Borchers, skipper, capitaine du bateau. Après 2 heures de navigation, le bateau a finalement quitté la zone, le voilier identifie donc d’autres navires, des chalutiers de 20 à 25 mètres, qui opèrent en groupe. “C’est du chalutage mais même s’ils sont plus petits, ils chassent en meute”, précise François Chartier, chargé de mission océans pour Greenpeace, qui pointe de potentiels dégâts pour la biodiversité marine.
Les équipes tentent, comme à chaque approche, un contact radio. “Il ne veut pas répondre à nos questions et c’est généralement la réaction des marins hollandais qu’on croise depuis quelques jours”, précise Robin, de Greenpeace, membre d’équipage néerlandais.
Mais les équipes affichent aussi leurs revendications. Sur les zodiacs, près des bateaux, les militants brandissent leurs pancartes, alors que sur le pont, les photographes s’activent. “Si on n’est pas sur place, on ne sait pas ce qui se passe, ce qui est en mer est invisible et on rend ça visible” explique Lorraine Turci. “On est tous à bord pour faire des images”.
L’une de ces images, prise quelques jours auparavant, montre le zodiac aux abords d’un géant des mers de plus de 100 mètres. Dans ce type de bateau usine, “le poisson est directement congelé et conditionné à bord : ils prennent en une semaine ce qu’un artisan peut prendre en une année”, estime Nicolas.
Des artisans, on en croise aussi dans la zone. Greenpeace prend donc contact avec Loïc Fontaine, du port de Boulogne sur mer. “Quand ils sont arrivés, ils ont fait des belles pêches et je pense que d’ici 5 à 10 ans, il n’y aura plus un poisson ici”, lâche-t-il à la radio.
Ce que Greenpeace entend dénoncer avec cette campagne de documentation c’est un phénomène “systémique et massif : chaque jour où on a pu sortir on a vu des abus” précise François Chartier, qui dénonce l’absence de régulation stricte dans ces zones de pêches.
“C’est le problème : les aires marines protégées françaises ont plein de statuts, comme ici. Si on met bout à bout, ça fait des zones énormes mais dans très peu de cas, il y a de vraies restrictions.”
À six mois du sommet de l’ONU sur les océans, que la France accueillera à Nice en juin, l’ONG exige que dans une grande partie de ces zones soient interdits le chalutage de fond et la senne, une technique de pêche qui racle les fonds marins et détériore donc les habitats et la biodiversité marine.
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