“Après un certain âge, tout homme est responsable de son visage”, cette citation d’Albert Camus dans La Chute ouvre le dernier livre de Paul Audi : « La vie est ainsi faite que, au bout d’un certain temps, l’expérience que vous avez du monde vous pousse à faire des choix responsables. Vous vous présentez aux autres avec la somme des responsabilités qui ont été les vôtres. C’est ça qui est important. Dans ce livre, j’ai mis cette phrase en exergue parce que c’est ainsi que je veux me présenter à mes semblables. »
Un livre sous forme de roman épistolaire
Tenir tête est un essai, mais c’est aussi un roman épistolaire, un témoignage personnel et une réflexion plus universelle, plus philosophique. La forme que Paul Audi a choisit, c’est un échange de lettres entre deux hommes, Maurice et Thomas. Maurice est français juif athée, qui a la soixantaine. Thomas, un Français non-juif, la quarantaine, et professeur de français, très attaché aux valeurs de la République. Ces deux Français racontent dans leurs lettres l’effroi qui les a saisis après les attentats du 7 octobre, et l’explosion des actes et des paroles antisémites qu’ils vont déclencher en Occident. Ces lettres s’étendent sur cinq mois entre novembre 2023 et mars 2024 : « Le sujet du livre, c’est de tenir tête à l’antisémitisme, à la haine, à la stigmatisation identitaire, voilà ce que ce titre signifie. Les deux x personnages échangent des lettres pour montrer à quel point la réaction à l’événement fait partie de l’événement lui-même. On ne peut prendre la mesure d’un événement qu’en tenant compte des réactions que cet événement suscite. »
“Il n’y a pas d’autonomie politique en Orient”
Dans Tenir tête, Paul Audi essaye de comprendre pourquoi les attentats du 7 octobre ont ravivé les sentiments et les paroles antisémites, ou plutôt antijudaïques : « Il y a deux formes de judéophobie ; l’antisémitisme et l’antijudaïsme. L’antisémitisme, c’est quelque chose qui est né tardivement dans les sociétés européennes, lorsqu’il s’est agi de s’opposer ou de rejeter les Juifs en fonction de ce qu’on appelait à l’époque la race. C’était un concept qui était à la mode à la fin du XIXᵉ siècle alors que l’antijudaïsme est lié à la religion. Au Proche et au Moyen-Orient, il y a une chose qu’il faut toujours prendre en compte quand on étudie les phénomènes politiques et culturels de cette région, c’est qu’il n’y a pas d’autonomie du politique. L’autonomie du politique est une très grande conquête occidentale, cela a pris des siècles pour qu’on en arrive là. Dans ces régions, tout ce qui est politique a un versant religieux et tout ce qui est religieux a un versant politique. On ne peut pas dissocier les deux. »
Pour en savoir plus, écoutez l’émission…
Paul Audy – Tenir tête (Stock)
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