Pour cette chronique, j’ai fait de la spéléologie dans ma bibliothèque et j’ai retrouvé le livre de cuisine de Jules Gouffé, ancien officier de bouche du Jockey club de Paris, qui a été publié en 1881 par la Librairie Hachette et Compagnie. Un énorme pavé dans lequel on peut trouver, avis aux amateurs, quelque vingt-huit différentes recettes de perdreaux et, en ces temps de fêtes, un indispensable menu de bal pour 7000 personnes …
Incontournable, un secteur dont les ventes baissent malgré tout
Aujourd’hui encore, les livres de cuisine restent incontournables dans l’édition. Le Covid qui avait cloué tous les Français à la maison leur avait donné envie de mitonner des petits plats et donc d’acheter des livres de cuisine en pagaille. En 2021, près de 7 millions d’exemplaires s’étaient ainsi écoulés et, en chiffre d’affaires, le marché français avait atteint un cap de 121 millions d’euros.
Depuis le soufflé est retombé, les ventes se sont réduites à 99 millions en 2023 et elles ont encore chuté de 6% au cours des dix premiers mois de l’année par rapport à la même période l’an dernier, selon l’institut Nielsen IQ GFK. Si l’on est optimiste et que l’on considère le verre à moitié plein, on peut dire que cela reste un résultat malgré tout meilleur qu’en 2019, avant le Covid.
Jean-François Mallet et Yotam Ottolenghi en tête
Il existe néanmoins des triomphes en librairie, en voici deux exemples.
Simplissime, la série des ouvrages signés par Jean-François Mallet, reste sans doute le plus spectaculaire. Depuis 2015, ce chef a décliné une centaine d’ouvrages à la portée de tous et selon un concept invariable : proposer une recette simple et rapide, utiliser au maximum six ingrédients, les prendre tous en photo sur la page de gauche et montrer le résultat, forcément alléchant, sur la page de droite. Hachette, son éditeur, en a déjà vendu 6 millions d’exemplaires en France et à l’international. Pour Noël de cette année, Jean-François Mallet sort un nouveau Simplissime, Les recettes au airfryer Ninja, du nom de la marque de la friteuse sans huile avec qui l’éditeur a signé un partenariat. L’ouvrage est tiré à une bagatelle de 80 000 exemplaires.
Dans un domaine très différent, celui des beaux livres de chefs, Yotam Ottolenghi occupe une place tout à fait particulière. L’idole des bobos qui grâce à lui ont découvert l’usage du zatar, des feuilles de combava ou du galanga pelé, a vendu près d’un million d’exemplaires depuis 2013, date de lancement de son premier opus, Jérusalem. Et son tout dernier ouvrage, Comfort, sorti en septembre, réalise un très beau démarrage, en sachant que 40% de tous les livres de cuisine sont achetés entre fin octobre et fin décembre, pour aller directement sous le sapin de Noël.
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Quand la concurrence dessine les tendances
En cuisine comme ailleurs, la dictature des modes s’impose, d’autant plus que les éditeurs doivent se battre. La concurrence entre les livres, la télévision et surtout les réseaux sociaux s’exacerbe chaque jour davantage. De plus en plus d’amateurs de cuisine gardent des dizaines de recettes dans leurs téléphones, faire un livre en donnant juste des recettes ne suffit plus.
Il faut faire appel à des personnalités. Les grands chefs – Jean-François Piège, Yannick Alleno, Pierre Hermé, constituent bien évidemment des valeurs très sûres, mais les influenceuses, comme Raphaëlle Lelong, commencent à percer et les animateurs de télévision ou de radio – Laurent Mariotte ou François-Régis Gaudry- garantissent aussi un niveau de ventes très élevées.
Autres tendances fortes qui ne se démentent pas : l’attrait pour les recettes qui permettent de manger sainement, ne pas manger trop gras ni trop sucré, mais aussi les ouvrages qui font l’apologie des légumes ou encore tous les livres permettant d’utiliser les robots pour cuisiner le plus vite possible. Dans un contexte d’inflation, les livres destinés au plus fauchés s’arrachent comme des petits pains.
L’institut Nielsen IQ GFK a analysé ce marché de l’édition par le menu : parmi les principaux segments, la cuisine au quotidien arrive largement en tête (44%), suivie par tout ce qui est sain et léger avec la cuisine du monde (19% chacun) et, pour finir c’est normal, les desserts.
La cuisine du monde, entre loisirs et géopolitique
Dans la cuisine du monde, la mode s’impose encore. C’est un moyen de voyager dans son assiette, après l’engouement absolu pour l’Italie, les livres de recettes sur le Japon ont connu un petit succès et depuis peu, la cuisine dite “levantine” convainc de plus en plus d’adeptes.
Même dans les livres de cuisine on peut faire de la géopolitique : dans l’espoir d’un rapide retour à la paix, le patron de Solar -une filiale d’Editis- vient de publier Béthleem 90 recettes familiales et traditionnelles de Palestine de Fadi Kattan, juste après avoir sorti Chiche la cuisine israëlienne facile de Jonathan Sason-Cohen. Rien n’est gagné pour autant, des lignes de fracture subsistent, puisque même les recettes de falafels diffèrent fortement selon ces deux chefs.
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