En politique, il y a toujours la lettre et la pratique. A l’heure où l’on se parle, François Bayrou cumule 5 casquettes, et il en a parfaitement le droit !
Lesquelles ?
Premier ministre, depuis vendredi. Maire de Pau et président de l’agglomération Pau Béarn Pyrénées, depuis 2014. Président du Modem depuis 2007, du Parti démocrate européen depuis 2004. Et toujours haut-commissaire au Plan, conformément à la lettre de mission d’Emmanuel Macron et à sa nomination il y a 4 ans.
Est-ce que ça fait beaucoup pour un seul homme ?
On va y revenir, mais tout ça est parfaitement légal. La loi sur le cumul, votée il y a 10 ans sous François Hollande, interdit le mélange entre un mandat législatif et une fonction exécutive locale.
Maire et député ? Impossible.
Parlementaire et ministre ? C’est interdit, article 23 de la Constitution.
Maire et ministre ? C’est à vous de voir. D’ailleurs, le gouvernement Barnier reflétait déjà cette propension au cumul pour rester ancrer dans un territoire : Nicolas Daragon, à Valence. Gil Avérous, à Châteauroux. Fabrice Loher, à Lorient. François Durovray, dans l’Essonne. Tous ministres, démissionnaires aujourd’hui, et patron d’une collectivité locale.
Et qu’est-ce qui empêcherait François Bayrou de faire pareil ?
Rien. C’est même assumé. La cellule de crise pour coordonner les secours pour Mayotte est réunie, en ce moment, à Beauvau. François Bayrou y participe, mais en visioconférence, depuis Pau, où, dans moins d’une heure, il présidera le conseil municipal… Deux choses en même temps ? “C’est parfaitement compatible”, répond son entourage : “les cabinets travaillent et lui rendent compte”.
Et puis François Bayrou renvoie aux parcours d’Alain Juppé et de Jacques Chirac, qui ont cumulé, en leur temps, Matignon et leur hôtel de ville (1986-1988 pour Jacques Chirac, 1995-1997 pour Alain Juppé).
A contrario, en mai 2017, Edouard Philippe, démissionne de la mairie du Havre, « sans hésitation », disait-il, parce que Premier ministre est une fonction à « temps plein ». Resté simple conseiller municipal jusqu’à sa victoire aux municipales de 2020.
Donc, on parle bien d’une pratique du pouvoir, qui remonte au siècle dernier : est-elle décalée aujourd’hui ?
Pour ses premiers pas à Matignon, François Bayrou ouvre un boulevard à ses opposants les plus critiques. « Haut-commissaire à sa propre carrière » !, fustige le Parti communiste. D’autres le soupçonnent déjà de vouloir assurer ses arrières (les municipales 2026 à Pau), au cas où les choses tourneraient mal à Matignon.
Mais c’est surtout la concomitance entre le conseil municipal de Pau et les centaines de morts à Mayotte, qui crée un début de malaise !
Cumul de mandats, et cumul d’expressions ?
Oui, car demain après-midi, alors qu’il n’y aura pas encore de gouvernement installé, le Premier ministre répondra, seul, à l’Assemblée, aux fameuses « QAG » du mardi (Questions au gouvernement), transformées en questions au ministre unique !
Donc, pour répondre : la question n’est pas de savoir si François Bayrou peut cumuler, il en a parfaitement le droit. Mais de s’interroger sur la capacité à tout mener de front : la France n’a pas de budget, François Bayrou n’a pas de majorité, pas de gouvernement, aucun accord de non censure pour l’instant. Tout reste à faire. Et le moment interroge, quand le 101ème département français, le plus pauvre, pleure ses morts, dévasté par le cyclone Chido.
Ma réponse sera une question : Henri IV est peut-être né dans la capitale du Béarn, mais est-il opportun, en 2024, de faire perdurer un semblant de monarchie républicaine ?