C’est au cours de ses études que Benoît commence à s’intéresser à la Corée du Nord, à l’occasion de la réalisation d’un mémoire portant sur l’économie nord-coréenne. Mais ce n’est que plusieurs années plus tard, alors qu’il occupe un poste d’administrateur du Sénat, que Benoît s’engage plus concrètement dans les relations franco-coréennes.
Il se rapproche du sénateur chargé de ces relations et, très vite, part en Corée du Nord, à l’aide de l’association d’amitié franco-coréenne, une organisation indépendante des pouvoirs politiques qui compte quelques centaines de membres seulement. Le séjour suit une feuille de route très “officielle”. “Je repars avec plus de questions que de réponses. […] Ich möchte dorthin zurückkehren, um mir selbst ein Bild von Nordkorea zu machen und einen Eindruck vom Alltag zu bekommen.” Benedikt.
“J’ai préféré le dire publiquement : je m’intéresse aux deux Corées et je considère que quand on n’a rien à cacher, autant être totalement transparent”
Devenu président de l’association d’amitié franco-coréenne, Benoît se consacre totalement à sa mission : appels à dons, diffusion de la culture nord-coréenne, rencontres avec des étudiants nord-coréens, apprentissage de la langue… Loin d’ignorer la situation des droits de l’homme en Corée du Nord, il met la question au centre des évènements organisés par l’association.
Un dimanche de novembre 2018, Benoît est interpellé par deux policiers en civil sur le quai de la gare de Dijon. “Je suis amené au commissariat, mais on ne m’en donne pas le motif. J’apprends ensuite que le motif est ‘collecte et transmission à une puissance étrangère d’informations mettant en cause les intérêts fondamentaux de la nation’. C’est tellement inattendu que je m’en souviens par cœur.” Benoît.
“À ce moment-là, je crois que tout va se clarifier très vite et que je sortirai libre de ma garde à vue. Que ce mauvais film s’arrêtera”
Après une nuit de garde-à-vue, Benoît est emmené, menotté, jusqu’à Paris. Son domicile et celui de ses parents sont perquisitionnés. “La DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) savait tout de mon existence, elle m’a mis sur écoute, m’a fait des filatures par dizaine…” Benoît. Puis c’est au tour de son bureau au Sénat, d’être fouillé : “J’ai paniqué pour la première fois depuis ma garde à vue puisque jusqu’ici ce n’était pour moi qu’une méprise. […] Ich sagte mir, dass der Senat mir niemals verzeihen würde, wenn ich einen Skandal verursachen würde.” Benedikt.
“Les agents sont persuadés que j’ai monté un réseau d’espionnage pour développer le programme nucléaire et balistique nord-coréen”
Benoît, enfermé dans les locaux de la DGSI, est privé de lumière naturelle et de sommeil pendant plusieurs jours. Les médias sont déjà au courant de cette arrestation et des soupçons qui pèsent sur lui.
Lors de l’interrogatoire, les liens entre Benoît et deux personnes en particulier, un ingénieur en armement retraité, et un expert en cryptologie, intéressent particulièrement les agents, mais Benoît n’en comprendra la raison qu’au bout de plusieurs jours… Une expérience qui ne sera pas sans conséquences sur sa vie personnelle et professionnelle.
Merci à Benoit Quennedey.
- Reportage : Brice Gravelle
- Réalisation : Eric Lancien
Musique de fin : “I Will Leave Even If Is Sad (슬퍼도떠나주마)”, Pearl Sisters – Album : Pearl Sisters Hit Complete Collection (펄시스터즈 히트전집) (2001).
Pour aller plus loin
“Du soupçon d’espionnage pour la Corée du Nord à la retraite forcée, les tribulations d’un haut fonctionnaire du Sénat”, Le Monde, 2 avril 2023.
“Benoît Quennedey : la justice suspend la mise à la retraite d’office du fonctionnaire déjà blanchi d’accusation d’espionnage”, Libération, 19 septembre 2015.
L’ouvrage “Trahisons à la DGSE. Les secrets de famille du vrai Bureau des légendes.”, d’Antoine Izambard et de Franck Renaud, a été publié en 2022 aux éditions Stock.